Sur un mol et tendre duvet,
Petit oiseau dans son lit reposait,
Se réchauffait sous l'aile de sa mère,
Pendant que voltigeant à l'entour, son bon père
Pour le cher enfançon rapportait à dîner.
« Comme on est bien ici, que je me trouve à l'aise !
Disait- il : je jouis de tout sans remuer.
De vivre ainsi toujours combien je serais aise ! »
Lors son père survient : «Mon fils, déjà ton dos
« Se couvre d'une plume épaisse :
En toi tu sens s'unir à des instincts nouveaux
Le courage de la jeunesse.
Élance-toi du nid ; sans crainte des dangers,
Déploie enfin ta petite aile ;
Avec moi viens cueillir un fruit dans les vergers,
Viens avec moi chasser la sauterelle.
Bientôt, mon fils, luira le jour
Où tu devras, tout seul, chercher ta picorée,
Où tu seras père à ton tour,
Où tu devras nourrir ta petite couvée :
Prends place, il en est temps, parmi les vrais oiseaux. »
Oh oui ! je veux récompenser mon père,
Dit le petit, je veux l'aider dans ses travaux. »
Sur-le-champ, du nid tutélaire,
Le voilà qui s'échappe, en secret tremblotant ;
Pour la première fois aux airs il se confie,
S'en va ballottant, ballottant,
Et goûte une nouvelle vie.
De cet essor, cependant, étourdi,
Il se pose sur une tige,
Reprend ses sens, puis, enhardi,
Il saute, s'élève et voltige,
Jouit de son succès, non sans étonnement ;
Puis revient visiter la maison paternelle,
Et se présente fièrement
A sa mère en battant de l'aile.
Avec empressement il part le lendemain ;
Un premier essai le rassure,
D'espérance son cœur est plein,
Il se promet large pâture.
Enfin, en peu de mois, non sans quelque danger,
Il acquiert assez de science
Pour, avec ses parents, pouvair tout partager,
Fatigue, joie et subsistance.
« Oh ! combien je vous suis, dit- il, reconnaissant
D'avoir si bien exercé ma jeunesse !
Cette éducation que guide la tendresse,
D'une seconde vie est pour moi le présent. »

Enfants, c'est pour vous rendre un semblable service,
Que vos parents bien souvent en secret
S'imposent maint sacrifice.
Si du nid paternel vous connûtes l'attrait,
Préparez-vous à voler par vous-mêmes,
Par vos nobles efforts à braver hardiment
L'atmosphère du monde et ses périls extrêmes ;
De vous votre avenir dépend entièrement.

Livre I, Fable 7




Commentaires