Le Vent et les Hommes L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Le vent, ce terrible souffleur,
Las d’entendre de lui partout faire des plaintes,
Résolut d’en agir avec plus de douceur,
Et de ne plus donner avec tant de fureur
Aux maisons des mortels de si rudes atteintes ;
D’en user tout de même avec eux sur les eaux
A l’égard de tous leurs vaisseaux :
Car c’était par sa violence
Qu’il s’était attiré tous ces noms odieux
De terrible, de furieux,
Et d’exterminateur des fruits de l’espérance.
Aussi pour obliger tout le monde au silence,
Son souffle ne fut plus sur la terre et les flots
Que tel qu’il le fallait pour plaire aux matelots.
Mais un jour qu’il passait au travers d’une ville,
C’était, s’il m’en souvient, l’opulente Amsterdam,
Après avoir un peu voltigé sur le Dam,
Passe devant l’hôtel de ville,
Il se rend à la Bourse : à l’entrée un marchand
Tout chagrin s’écriait : Que maudit soit le vent !
Sans lui j’aurais fait ma fortune.
A quelques pas de là quelque autre en dit autant.
Il voulut passer plus avant ;
Mais parmi la foule importune
Il entendit encor bien plus de mécontents.
Tâchons pourtant, dit-il, de contenter ces gens.
Aussitôt il fait volte-face ;
Se tournant de l’est au couchant ;
Mais voilà qu’au même moment
Il entend murmurer en bien plus d’une place.
Eh bien ! tournons-nous donc au nord,
Peut-être après cela les verrons-nous d’accord.
Il fut trompé dans son attente ;
On murmura tout de nouveau.
Ce peuple serait-il malade du cerveau ?
Reprit notre souffleur ; quoi ! rien ne le contente,
Mais essayons du sud, peut-être pourrons-nous
A la fin les contenter tous ;
Mais ce dernier essai fut aux autres semblable.
Oh ! c’en est trop, dit-il, j’y renonce ; et de plus,
Je veux être à leurs cris toujours inexorable
Puisque pour ces gens-là mes soins sont superflus.

Suivez le but du mariage,
Devenez moine ou courtisan,
Financier, soldat, artisan,
Ayez la fortune en partage,
Sur chaque état on pariera ;
On fera plus encore, on vous calomniera.

Livre II, fable 1




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