Les gloutons partirent en guerre
Contre les visons,
Et l’on ne sut guère
Pour quelles raisons.
Comme nous quelquefois les bêtes
Aiment à faire des conquêtes
Et tout prétexte est bon alors.
Peu rompus à la discipline,
Les visons dont l’esprit incline
À la paix au dedans à la paix au dehors,
Éprouvèrent quelques défaites,
Et, sur les entrefaites,
Requirent l’aide du renard.
Celui-ci répondit d’un ton fort goguenard :
— Je crois que le glouton, en effet, anticipe
S’il a l’intention
De réunir la faune en une nation ;
Mais je n’interviens pas à cause du principe
De la non-intervention.
Les visons malheureux n’eurent pas plus de chance
Auprès de maître loup.
Ils furent dispersés ; ce fut leur déchéance,
Ce fut le dernier coup.
Le glouton orgueilleux se plut à donner suite
À ses brillants projets :
Il lui fallait d’autres sujets.
Il traqua le renard, le prit ou mit en fuite
Sans même lui dire pourquoi.
Et puis qu’aurait pu faire
Un long discours en cette affaire ?
Chacun, d’après la grande loi,
Ne doit-il pas demeurer coi
Pendant qu’on immole son frère ?
Les loups eurent leur tour aussi,
Mais leur perte fut bien légère,
Car les méchants entre eux ne sont pas sans merci.
Ne pas intervenir quand le puissant accable
Le faible qui s’épuise en un pénible effort,
C’est au lieu de l’amour admettre l’implacable,
Au lieu du plus loyal acclamer le plus fort.