La pie est voleuse
Autant que parleuse ;
Deux défauts fort vilains
Que parmi les humains
De place en place encore
On trouve quelquefois,
Mais que bientôt, je crois,
Du couchant à l’aurore
L’on ne trouvera plus
Si nos livres sont lus.
Donc une pie,
Une impie,
Ne trouvant pas assez moelleux,
Pour ses petits encor frileux,
Son nid de mousse et de brins d’herbe,
Profita de l’éloignement
D’un canard logé richement
Pour entrer dans son nid superbe
Et lui voler son chaud duvet.
Le canard qui savait
Ce que vaut une plume,
Dans son cœur rempli d’amertume
Assez longuement réfléchit ;
Puis il se dit :
— La pie a la griffe légère :
Donc elle n’est pas étrangère
À ce larcin qui l’enrichit.
Faisons arrêter la pillarde
Et, comme elle est fort babillarde,
Et que les siens jasent aussi
Beaucoup trop d’ordinaire,
Je saurai bien ainsi
Le fond de cette affaire.
Il fit comme il disait, rien de plus, rien de moins.
Il appela comme témoins
Devant une cour haut prisée
Tous les petits de l’accusée
Et les interrogea tour à tour longuement.
Mais, à sa grande surprise,
Ils surent éviter alors toute méprise
En se taisant obstinément.
Et lui, fort bon de sa nature,
Et lui se consola de sa déconfiture
En répétant ces mots que nous vous confirmons :
Il est dur de parler — même s’il faut instruire —
Quand nos paroles doivent nuire
À ceux que nous aimons.