On a, communément, foi dans les vieux auteurs ;
Si donc il en faut croire un de ces francs conteurs,
Les Femmes ainsi que les Pies,
Semblent tenir pour œuvres pies,
Et de faire ceci qui leur est défendu,
Et de dire cela qui devrait être tu.
Or, comme il en prend mal quelquefois à ces Dames,
Pour le bien de leurs corps autant que de leurs âmes,
Avec LANDO je vais galamment leur conter
Un fait, dont j'ai souci de les voir profiter.
D'un pauvre Journalier c'était la Ménagère,
Qui, d'un pâté voulant régaler sa commère,
Et peut-être soi-même aussi,
Choisit, de peur que les mais et les si
Ne fissent aigrir sa cuisine,
L'heure où le Maître, allant à ses travaux,
Lui laissait libre l'officine ;
Il n'eût pas trouvé bon de voir qu'en godiveaux,
On dissipât le fruit de ses journées.
Notre homme donc étant absent,
Sa femme, à petit bruit, pétrissant, pâtissant,
Tout à souhait voilà les choses terminées :
Oh ! que cela, dit-elle, a l'air appétissant !
Quelle excellente odeur ! Quelle attrayante mine !
Que de mercis, demain, j'aurai de ma voisine !
Mais, jusque-là, pour notre sûreté,
Vite, faisons tout disparaître ;
Et que dirait Monsieur, s'il venait à connaître
Que Madame a fait un pâté ?
Or, Madame comptait, cette fois, sans sa Pie ;
De tout ce qu'elle avait, soit vu , soit entendu ,
L'Espiègle n'avait rien perdu.
L'Époux rentre, et l'Oiseau tout aussitôt lui crie :
Madame a fait un pâté !... Qu'est- ce là ?
Dit notre homme étonné ; Madame, je vous prie,
Ne saurait-on le voir, ce pâté?... Vous voilà,
Fit-elle , vous grison des pieds jusqu'à la tête,
Bien jeune encor d'esprit, d'écouter cette Bête;
Des pâtés ! à cela j'emploierais notre argent?
Faites un peu que, par la porte,
Il en entre un seul, je prétend,
Que, sans qu'on l'ait flairé, par la fenêtre il sorte !
Des pâtés ! jour de Dieu ! c'est bien vous, sur ma foi :
Vous en croyez plutôt votre Agace que moi !...
Eh ! non, non, reprit- il, je vous crois sur parole :
Soupons, et couchons-nous ; puis, de la table au lit,
Le brave homme passant, bientôt il s'endormit.
Quant à la Mégère, elle vole
Droit à la cage de l'Oiseau :
Ah! tu nous vends de la sorte, dit- elle ;
ll t'en cuira... Notre bourreau
Lui prend la tête et la lui pelle,
En ajoutant Voilà ce que t'aura coûté
Ton α Madame a fait un pâté !... »
Et, sans remords, elle vient prendre place
Auprès du bon dormeur...
Enfin, la nuit se passe ;
Et le Mari debout, en se frottant les yeux :
Que vois-je ? Margot, notre Pie,
Non pas sur son bâton , mais dans un coin tapie ,
Et la tête pelée ! ... Hier, elle allait au mieux,
Et nous ne sommes pas, ce crois-je , en temps de mue...
Mais, Madame dormait, ou feignait de dormir...
En ce moment, cheminait par la rue
Certain Frère Quêteur, que Margot voit venir.
La tête rase du Saint Homme
A l'Agace rappelant comme
Son pauvre chef avait été traité :
Las ! cria-t-elle , mon bon Frère,
Aurais-tu parlé du pâté ?...
Ce fut, pour le Mari, comme un trait de lumière ;
Il court au bahut sans délai,
L'entr'ouvre, et se convainc du délit : — Ah ! tricheuse !...
Quoi, la Femme a menti ! Quoi, la Pie a dit vrai !...
Puis, s'armant d'un manche à balai :
Et pan, pan, pan, à l'affronteuse,
Pour nous avoir voulu cacher la vérité !
Et pan , pan, pan, à la plumeuse,
Pour prix de sa vengeance et de sa cruauté ! ...
Maintenant, sans rancune, et mangeons le pâté.
Pie ou Femme, songez qu'une méchante affaire
Vient souvent, w insistons sur la moralité, -
De ce qu'on fait ceci qu'il ne faudrait pas faire,
Ou ne tait pas cela qu'il est prudent de taire.