Un jeune chat, naguère,
Faisait souvent la guerre
Aux rats :
C'était pour cette gent rongeuse
Un embarras
Qui la rendait songeuse ;
Elle en était réduite à rester dans son trou,
Sous verrou.
Un tel état de siège
Était plus irritant
Que n'importe quel piège.
Il était important
D'y mettre fin tout de suite ;
Mais le moyen ?
Il fallait le trouver, on agirait ensuite.
Le doyen,
Un vieux qui bien des fois avait vu la bataille
D'assez loin,
Prit sur lui d'assembler noblesse et valetaille
Dans un coin.
On vint de toute part : du grenier, de la cave
Et même du dehors.
Certains rats étaient frais, d'autres avaient l'œil cave ;
Celui-ci passait pour retors,
Celui-là, disait-on, mettait les chats en fuite,
Et tous avaient tenu la plus belle conduite
En mainte occasion.
Le vieux prit la parole
Et dit avec concision :
— Notre jeune ennemi sans pitié nous immole ;
Il nous guette partout.
Ma douceur est à bout.
Il faut lui faire entendre
Ce que l'on doit attendre
D'un rat digne de ce nom !
— Non !
Reprit un autre énergumène,
Ne nous laissons plus effrayer
Par ce bambin qui nous malmène,
Qui sait à peine bégayer
Et se vante de son mérite !
— Sa lâcheté m'irrite,
Dit sur le même ton
Un raton ;
Il se cache pour nous surprendre
Et n'agit que sournoisement.
— Lorsqu'il nous tient séparément
Il est plus fort que nous, cela doit se comprendre ;
II ne le sera pas si nous nous unissons,
Dit un autre opinant à la mine superbe.
On fit longtemps encor de l'éloquence acerbe,
Et l'on voyait courir d'énergiques frissons
Dans l'illustre assemblée.
On décida d'emblée
D'aller en plein soleil provoquer maître chat,
Et, par un coup brillant, de faire le rachat
De l'antique indépendance
Des rats et des souris.
Devant tant de héros le pauvre chat, surpris,
Perdrait bien son outrecuidance
Et fuirait tout confus…
On comptait là-dessus.
On partit plein d'ardeur pour tenter l'aventure,
Mais le chat qui guettait au bord de l'ouverture
Par où les valeureux s'attendaient de sortir,
Miaula tout à coup d'une voix ironique.
Les rats furent saisis d'une affreuse panique,
Et chacun dans son trou s'en alla se blottir.
Vous n'aurez jamais de problèmes
En multipliant des zéros,
Multipliez les poltrons mêmes
Vous n'aurez jamais de héros.