Un rat qui voyageait du grenier à la cave,
Pour sa santé,
Fut enchanté
De sentir tout à coup l'odeur la plus suave.
Il passait en effet
Vis-à-vis un buffet
Où, depuis un instant, la vieille cuisinière
Avait apporté
Un large pâté.
— Chacun son goût, dit-il, et chacun sa manière :
Moi j'accepte le bien
Qu'on me donne pour rien,
Et ce pâté, je crois, vaut que je m'arrête en route.
Mais je serai bon rat
Et pas du tout ingrat,
Je mangerai la mie et laisserai la croûte.
Puis tout en devisant
De ce ton suffisant,
Il cherchait dans les coins un facile passage ;
Mais il eut beau chercher
Tout autour du plancher
Il n'aperçut nul trou dont il put faire usage.
— Bah ! je vais en faire un :
Si je travaille à jeun
Je mangerai, dit-il, joliment davantage ;
Le pâté, tendre ou dur,
Y passera bien sûr,
Et personne avec moi ne fera de partage.
Il se mit à ronger
Sans nullement songer
Qu'un chat couché là-haut pouvait fort bien l'entendre.
Le matou bon sujet
Devina son projet,
Se blottit dans un coin et résolut d'attendre.
Or, le rat imprudent
D'un dernier coup de dent
Achève l'ouverture ; il se montre la tête ;
Le chat l'attrape alors
Et l'amène au dehors :
— Nous serons deux, dit-il, pour terminer la fête ;
J'ai comme toi, petit,
Assez bon appétit.
Quand l'espoir d'un plaisir ou d'un gain vous appelle,
N'allez pas au danger
D'un cœur vain ou léger,
N'exposez pas vos jours pour une bagatelle.