Voyez-vous ce ruisseau qui, du pied des montagnes,
S'égare dans les prés, court le long des enclos,
Et de son eau féconde arrose les campagnes?
Essayez d'opposer une digue à ses flots :
Bientôt le ruisseau, qui s'irrite,
Sur la digue se précipite ;
Résiste-t-elle à ses efforts,
11 se gonfle, il écume, et franchissant ses bords,
Torrent impétueux qui ravage et qui gronde,
Il se fraie un chemin dans les champs qu'il inonde.
Mais à son cours enfin rendez la liberté,
Son onde redevient et transparente et pure ;
Tantôt il se promène avec tranquillité,
Tantôt agile il fuit, et, d'un joyeux murmure,
Jase avec les cailloux dont son lit est semé ;
Quittant comme à regret les bords qui l'ont charmé,
Des arbres qu'il rencontre il conserve l'image,
Et baise avec amour les fleurs de son rivage.
Enfin ; après mille détours,
Au sein de l'Océan -, terme de son voyage,
Il va paisiblement se perdre pour toujours.

Le flot du siècle nous entraîne,
S'opposer à sa course est tentative vaine :
A lutter contre le courant
La main la plus robuste est bientôt affaiblie :
Tâchons de diriger, s'il se peut, le torrent,
Mais l'arrêter serait folie.

Livre IV, Fable 7, 1856




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