La plus savante des Corneilles,
Ayant ouï conter qu'autrefois ses pareilles
Pouvaient de l'avenir percer l'obscurité,
De leur talent divin crut avoir hérité.
Des messagers ailés répandent l'imposture.
Elle séduit tout le pays,
Et la devineresse aux Oiseaux ébahis
Va disant la bonne aventure.
On l'écoutait, et nul n'osait
Douter de ses tristes présages.
À la fauvette elle annonçait
Qu'elle aurait des amans, mais qu'ils seraient Volages.
S'adressant à la poule : hélas ! à quel destin
Vous êtes réservée ! En vain l'homme vous flatte ;
En vain vous le servez pour assouvir sa faim ;
Il vous égorgera : cette race est ingrate.
Vous êtes fort gentil, disait-elle au hibou ;
Mais je ne voudrais pas répondre
Que dans votre nid le coucou,
Un jour ne s'avisât de pondre.
Alouette, ma mie, avant la fin de l'an,
Vous serez, dans les airs, victime du milan.
Et toi linot, le jour que mourra l'alouette,
Gare le bec de la chouette !
Elle allait en prédire autant à chaque Oiseau,
Lorsque, de la foret prochaine,
Un noir et sinistre corbeau
Fend tout a coup les airs et s'abat dans la plaine.
— Malheureuse Corneille ! à quoi t'occupes-tu !
Cours, vole, où le devoir t'appelle.
L'arbre où ton nid repose est peut-être abattu.
La hache est à ses pieds, et sa tête chancelle.
Oh ! oh ! dirent alors les Oiseaux spectateurs,
Notre crédulité n'était pas très-sensée.
Si madame avait l'art de prévoir les malheurs,
Elle eut prévu celui dont elle est menacée.