Dès le retour de la froidure,
Deux petits Lézards mécontents
S'étaient tapis au fond d'une vieille masure,
Pour y dormir jusqu'au printemps.
Hélas ! que mon destin m'afflige !
Disait l'un d'eux ; pourquoi faut-il que Jupiter
Nous emprisonne, et nous oblige
À vivre engourdis tout l'hiver ?
Un habitant du voisinage,
Le Lérot, au museau pointu,
Lui répondit en son langage :
Mon ami, de quoi te plains-tu ?
De ton destin ? Je le partage :
Ainsi que toi, l'hiver, cloué dans ma maison,
J'y dors jusqu'au retour de la belle saison.
Je tiens que c'est un avantage ;
Et j'en suis fier avec raison.
Oui, le père de la nature
Nous chérit ; il nous a traités,
Comme on dit, en enfants gâtés.
Quand nous dormons, les bois sont privés de verdure,
Les jardins sont flétris, les vergers sont' déserts,
Tous les vents déchaînés se battent dans les airs,.
La terre a perdu sa parure.
Le voile du sommeil nous cache ces tableaux ;
Mais sitôt que les prés,- les jardins, les berceaux,
Reprennent leur éclat,-, leur beauté printannièrë,
Notre sommeil finit : c'est au chant des oiseaux
Que nous rouvrons notre paupière.
Mes chers voisins, soyons contens ;
Et bénissons la destinée,
Qui voulut que pour nous l'année
Fût un continuel printemps.
Les choses ici-bas, quand On les envisage,
Ont toutes un revers dont' on est moins flatté.
C'est être heureux, c'est être sage,
Que de les voir du beau côté.