Un Marronnier que l'Inde avait vu naître,
Dans un de nos jardins se voyant transporté,
Et tout couvert de fleurs d'un émail argenté,
Méprisait le Chêne et le Hêtre.
Il leur disait avec fierté :
Voyez-vous l'épaisseur de mon riche feuillage,
La hauteur de ma tige et de tout mon branchage ;
L'arrangement, la régularité,
Cet air majestueux et plein de dignité ?
En ma présence osez-vous bien paraître ?
Est-ce pour disputer le prix de la beauté ?
Vraiment j'admirerais votre témérité.
Arbre inutile, apprends à te connaître,
Lui répondit avec autorité
Et d'un air grave, un Chêne antique.
Qui depuis plus d'un siècle avait été planté :
Tu viens ici trop tard exercer ta critique :
Épargne-toi les frais de cette rhétorique,.
Et rabats de ta vanité.
Je n'exposerai point par un long étalage
Combien je suis utile à la société :
De la servir en tout, le solide avantage
Ne me fut jamais contesté.
Mais quelle est ta propriété ?
Mi tes fruits, ni ton bois, ne font d'aucun usage :
Tu ne sers pas même au chauffage.
Belle montre est tout ton partage,
Et pas la moindre utilité.
í>e bien des gens on en peut autant dire,
Beau dehors sans solidité :
Grand éclat sans réalité.
Quel vaste champ pour la satyre ?