Le Censeur du genre humain Philippe Barbe (1723 - 1792)

Certain mortel, Censeur de son métier,
(Le bel emploi ! Son étendue
Embrasse l'univers entier)
Contre tous les défauts qui s'offraient à sa vue
Ne cessait de crier.
Une maladie imprévue
L'attaque, le saisir à la gorge et le tue.
Quelqu'un pleura-t-il fon trépas ?
A dire vrai, je ne le pense pas.
Quoi qu'il en soit, dans l'infernale barque,
Pour aller voir le ténébreux Monarque ,
Entre le Misanthrope. Il reproche à Caron
D'abord les rides de son front,
Puis sa barbe trop longue et sa mine sévère.
Le Nocher surpris le fait taire
A grands coups d'aviron.
Quel homme es-tu ? lui dit Eaque,
En le voyant ... Censeur universel,
Je blâme tout vice et j'attaque
Quiconque est sot ou criminel.
Tout est soumis à ma férule.
Je ne saurais souffrir le moindre ridicule.
Pour s'attirer mes éloges, il faut
Ne pas avoir un seul défaut.
Vous êtes Juste. En conséquence
Les champs Elysiens seront ma récompense.
Tes pareils sont dans les enfers,
Lui répond d'une voix terrible
Eaque, Juge incorruptible,
En le regardant de travers.
Eh ! qui t'avait donné l'autorité suprême ?
Que de gens irrités de ta rigueur extrême,
Et de tes discours insolents,
De faibles qu'ils étaient, font devenus méchants !
On doit d'abord se corriger soi-même ;
Puis essayer par la douceur
De convaincre l'esprit et de toucher le cœur.
Pourrais- tu me nommer un seul homme qui t'aime ?
Entre tous les défauts qui déplaisent aux Dieux,
L'Orgueil (c'est là ton vice) est le plus odieux.

Livre I, fable 10




Commentaires