On voyait dans une boutique
Un fort beau violon que l'on disait sorti
De Crémone et de la fabrique
De Stradivarius, ou d'un frère Amati .
Charmé de rencontrer un instrument si rare,
Un émule de Bériot,
De Vieux-Temps, de Hauman, d'Artot,
Entre, et, sans marchander, aussitôt s'en empare.
Il le porte chez lui ; puis, prenant son archet,
Notre virtuose l'accorde ,
Mais il trouve bien du déchet ;
À peine il peut tirer un son de chaque corde.
D'étonnement alors il demeure frappé :
Eh ! quoi ! dit-il , aurais-je été trompé ?
Et déjà le dépit, la colère l'enflamme ;
Aisément cela se conçoit.
Mais en regardant mieux , notre homme s'aperçoit
Que son violon n'a pas d'âme.

Ainsi, sous des dehors heureux,
Vous rencontrez souvent des cœurs froids , insensibles ;
Faites tous vos efforts pour les rendre accessibles
A des sentiments doux, bienveillants, généreux,
Vous y perdrez votre faconde,
Et ne trouverez pas en eux
Une corde qui vous réponde.
Que leur manque-t-il donc ? presque rien, seulement
Ce qui manquait à l'instrument.

Fable 24




Commentaires