Le Soleil et les deux Villageois Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Guetter le temps qu'il fait, et d'où souffle vent,
Adorer le soleil levant,
On sait ce que cela veut dire;
Et certe ce n'est pas médire
D'ajouter qu'ici bas cela se voit souvent.
On reçoit d'un ministre un bienfait, une grâce ;
Tant qu'il brille sur l'horizon,
C'est-à-dire, messieurs, tant qu'il garde sa place,
On est son partisan pour plus d'une raison ;
Mais qu'il tombe dans la disgrâce,
De la reconnaissance aussitôt on se lasse,
Et l'on se tourne sans façon
Vers l'astre heureux qui le remplace.
Or écoutez cette leçon :

Un villageois, à chaque aurore,
Du soleil humblement saluait le retour,
Et notre homme, au milieu du jour,
Avec même respect le saluait encore ;
Mais, lorsque l'astre, au soir, s'éteignait dans les flots ,
Il ne recevait plus de salut, ni d'hommage ;
Le manant, lui tournant le dos,
D'un air indifférent regagnait son village.
Un vieillard, son voisin, qui l'avait remarqué,
Et qui du changement avait été choqué,
Lui dit ces paroles sévères :
« Ta mémoire est bien courte, ou tu n'es qu'un ingrat ;
De l'astre bienfaisant, qu'au matin tu révères,
Le soir tu fais si peu d'état !
Le bien que je lui dois, pour moi, toujours me touche;
Aussi, qu'il soit ou non à lui même pareil,
Qu'il se lève ou bien qu'il se couche,
A mes yeux, en tout temps, c'est le même soleil. »

Fable 27




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