L'homme est né pour la liberté ;
La liberté semble son apanage :
Mais par sa faute il s'est ôté
Le plus beau don qu'il reçut en partage.
Certain cheval jadis eut différend
Avec un cerf plein de vitesse.
Pour s'en venger, de l'homme il implora l'adresse :
J'ai La Fontaine pour garant ;
On en croira son témoignage.
L'homme lui met un frein, lui saute sur le dos,
Court le cerf et l'abat ; et voyant l'avantage
Que l'on pouvait tirer de ce coursier dispos,
Il résolut son esclavage.
Ainsi, pour n'avair pu souffrir
Peut-être une légère offense,
Esclave infortuné de sa triste vengeance,
Le cheval, si fougueux, fut réduit à servir.
Ce docile animal, sensible à nos caresses,
Si caressant lui-même, et plein de gentillesses,
Le chien, perdit sa liberté
Pour le plaisir d'être flatté.
Un autre qu'à regret on nomme,
Et qui n'est bon qu'après sa mort,
Abandonna les bois et s'asservit à l'homme,
Prétendant adoucir la rigueur de son sort.
Ase nourrir lui-même il trouvait trop de gêne ;
Et las de ramasser des glands de chêne en chêne,
Pour se délivrer de tous soins
Il nous chargea de ses besoins,
Esclave de son ventre et de sa nonchalance.
Ainsi chacun suivit ses inclinations.
Mortel, affranchis-toi des mêmes passions,
Alors tu vivras libre et dans l'indépendance.