Le Perroquet et le Chat Pierre Laurent de Belloy (1727 - 1775)

Un Perroquet, à ce que dit l'Histoire,
Faisait d'une Dévote et la joie et la gloire.
Il avait profité si bien de ses leçons,
Qu'il se rendait fameux par mainte gentillesse ;
Il chantait proprement de petites chansons,
Montait, comme par échelons,
Sur tous les doigts de sa Maîtresse,
Faisait le chant du Coq, le raucou des Pigeons,
La plainte de la Tourterelle,
Jappait, miaulait, riait, toussait, et répondait
À tout ce que la Dame exprès lui demandait.
Bien plus, quoiqu'il fût mâle, et la Dame femelle,
Le croira-t-on ? il parlait autant qu'elle ;
Mais en lui rapportant tout ce qui se passait
Dans sa maison en son absence,
A Raton, Chat larron, souvent il procurait,
Par sa dangereuse éloquence,
Giffle, gourmade, ou coups de fouet :
Un Dimanche matin, pendant que la Maîtresse
Entendait le Prône et la Messe,
De son côté, monsieur Raton
Au bavard Perroquet vint faire ce sermon :
Tu m'attires toujours quelque méchante affaire ;
À la fin, je peux me lasser,
Et te rendre dans ma colère
Les quarts-d'heure fâcheux que tu me fais passer.
Crois-moi, les rapporteurs ont un triste salaire,
Hors les coups, ils ne gagnent rien ;
Trop parler nuit, souviens-t'en bien...
Si tu voulais être plus sage,
J'aperçois dans ce coin un morceau de fromage,
Dont je pourrais bientôt .... Mais, bast, tu parlerais.
Oh! non; ne crains plus rien, va, va, mon camarade,
Répond Ververt, je veux me taire désormais ;.
Ma langue ne veut plus te faire d'incartade,
De ce que je promets ta griffe est caution.
Notre Chat, sur cette assurance,
Court au fromage, emplit sa panse
Il s'en donne à discrétion.
La Dévote revient, et selon son usage
Avec transport, vole droit à la cage
De notre Américain parleur ;
C'était après le Confesseur
Ce que dans l'Univers elle aimait davantage.
L'Oiseau dessus-dessous baisé, léché, flatté,
Et de bonbons tout empâté,..
Dans ce moment d'ivresse oublie
Le silence qu'il a promis,
Et du Chat le prudent avis,
Vous caquette comme une Pie,
Et du pille-fromage il raconte la vie.
Le fin Matou l'entend, et jugeant bien
Que l'on allait épousseter sa robe,
D'un pas tout tortueux s'alonge, se dérobe,
Se tapit dans la garde-robe,
Quand on l'appelle, il n'entend rien
Après dîner, voilà Vêpres qu'on sonne.
- La Sainte va baiser Ververt qu'elle abandonne,
Et plaint, en lui disant adieu,
Ces moments, que, dans le saint lieu,
Sans fon cher Perroquet, il faut donner à Dieu ;
Encor si l'on pouvait emporter à l'office
Ce charmant petit Chérubin !
Mais non, un tel penser vient de l'Esprit-malin,
Il en faut faire à Dieu le dévot sacrifice.
On le caresse encore, et l'on part à la fin.
Mais à peine est-elle sortie,
Le Chat rentre, et vient faire une autre vespério
A son imprudent rapporteur.
Il prêche d'action, il saute sur la cage,
Il vous agriffe à travers du grillage
Le maudit Oiseau de malheur,
Vous lui fait mainte estafilade,
Lui poche un œil, lui déchire le flanc
Teint toute la cage de sang,
Et le met en capilotade.
Quand il en eut son saou, notre Docteur fourré
Lui dit d'un ton grave et lourré :
Perroquet, mon mignon, mon cœur, mon petit ange,
Trop parler nuit, je te l'ai fi bien dit :
Si par hasard la langue te démange,
Pour la trop remuer, tu vois bien qu'il encuit.
Ce nouveau sermon fait, il descend et s'enfuit.
Le pauvre Perroquet le reste de sa vie,
N'eut plus d'autre jargon, ni d'autre repartie
Que ces trois mots, trop parler nuit.





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