L'oiseau noble et lier
Qu'on vit présider le monde
A côté de Jupiter,
Crut, dans son erreur profonde,
Que le suprême pouvair
N'appartenait qu'à son maître.
Trop zélé pour son devoir,
Ou feignant de l'être,
Il devint intolérant.
Tout ce qui porte plumage,
Sans en excepter le paon,
Était l'objet de sa rage.
Aimé de Junon,
Le paon la croyait maîtresse
Sur ce globe rond ;
Par amour pour la déesse,
De l'aigle il souffrit, dit-on,
La colère vengeresse.
Mais, las de souffrir
Sa longue injustice,
Il fait réunir
Les nobles et la milice.
On tient conseil en secret,
Et la compagnie
Décide, bien à regret,
Que, de bons lacets munie,
Elle ira sur un chemin
Pour tendre, en silence,
Un piège à l'oiseau divin,
Non pour en tirer vengeance,
Mais pour calmer son courroux.
Un jour à peine se passe,
Que l'aigle, pris dans la nasse,
Baisse le ton, et, tout doux,
Écoute la juste plainte :
« Ô toi ! dit le paon sans crainte,
De ta rigueur envers nous
Tu peux juger, par la feinte
Qui te met entre nos mains.
Tu veux forcer nos destins
A plier sous ta colère :
Que Jupiter, que Junon
Règlent le sort de la terre ;
En leur honneur ne peut-on
Vivre en harmonie ?
Un, faut-il, pour plaire au ciel,
Que la terre désunie
Rende le crime éternel ?
Non, l'intérêt qui te touche
N'est point celui de Jupin.
Jamais ton zèle farouche
Ne fut qu'un prétexte vain
Pour sanctifier tes crimes.
Mais à ce métier,
Si toi-même tu t'estimes,
Que peux-tu gagner ?
— Tout, lui répond l'aigle altier,
Au ciel mon destin m'enchaîne ;
Je ne vis que par sa haine.
Si les dieux faisaient la paix,
S'ils déposaient leur tonnerre,
Leurs ministres, à jamais,
Seraient bannis de la terre ! »