L'Ours qui a raison Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Un ours, ayant trotté longtemps de foire en foire,
Et reçu plus de coups que d'honneur et de gloire,
Jura qu'un beau matin
A ses tourments il mettrait fin.
« J'ai, dit-il, rempli ma mémoire
De tous les beaux discours
Que mon insolent maître
Débite tous les jours.
Dans son métier je puis paraître
Avec honneur, et lui-même, le traître,
Sera mon animal,
Que j'irai faire voir de Paris jusqu'à Rome. »
Mais un singe lui dit: « Mon cher, tu feras mal ;
Personne ne viendra, crois-moi, pour voir un homme ;
C'est un caméléon en tous lieux trop connu.
— Va, tu n'y comprends rien ; j'irai de ville en ville
Faire annoncer un ours blanc, noir barbu,
Et je serai partout le bienvenu.
Ces fiers humains, à Bagdad comme à Lille,
A Pondichéry comme à Gaux,
Ne sont qu'un peuple de badauds.
À la porte de mes baraques
Tu verras, à la queue, Anglais, Français, Cosaques...
— Un ours qui montre un homme, en vérité,
Voilà peu de chose, je pense !
Au lieu de l'un, on voit l'autre qui danse.

— Eh ! c'est assez : c'est une nouveauté ! »

Livre IV, fable 7


Titre original : Un Ours qui a raison

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