Le bel Homme et le Nain Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Sur les bords de la Seine, lin jour,
Un beau jeune homme, égaré par l'amour
Pour en finir avec le monde,
De l'œil, sans peur, mesure Fonde.
11 va se noyer, quand, soudain,
11 entend une voix... ni d'homme, ni de bote
Vite, il tourne la tète,
Et cherche... c'est en vain !
Il écoute, et la voix répète :
« O le beau jeune homme ! quels traits !
Quelles grâces et quels attraits !
Pour être taillé de la sorte,
Je ferais, le diable m'emporte... »
Le jeune homme surpris
Des éloges et du mystère,
Cherche, puis trouve, en un taillis,
Un nain couché sur la fougère ;
A scs deux bosses près, noble était son maintien.
« Mortel parfait, dit-il, ton corps me fait envie ;
Tu possèdes le plus grand bien !
— Quoi ! vraiment ? Je n'en savais rien !
J'allais me priver de la vie...
— Insensé ! vois, regarde, ouvre les yeux,
Et juge, en me plaignant, si ton sort est heureux !
— Cette leçon est bonne, oui ! — Quel homme apprécie
Le vrai bonheur ? celui qui souffre, hélas !
L'homme heureux n'est pas sage,
De ce dont il jouit connaît peu l'avantage ;
Si d'un bien il fait quelque cas,
C'est du seul qu'il n'a pas ! »

Livre III, fable 12




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