Le Singe et ses Amis Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Ami des arts, un singe-de génie
De la musette écoutait les accords ;
Séduit par la douce harmonie,
Il va, dans ses tendres transports,
Près d'un berger apprendre à charmer la prairie
Et bientôt ses succès couronnent ses efforts.
« Combien, dit-il, je vais surprendre,
Dans nos bois, mes nombreux amis !
Ah ! quel sera leur plaisir de m'entendre ! »

Auprès d'eux pressé de se rendre,
Il part, arrive, et, de son art épris,
Sous un chêne assemblant ses compagnons chéris,
Il joue, il chante, il fait merveilles,
Et se sent tout heureux de charmer leurs oreilles.
Mais ô surprise ! il les a vus pâlir...
A son concert succède un morne et long silence ;
Pas un seul mot flatteur... nul ne daigne applaudir
D'autres objets on parle, et, pressés de sortir,
Cachant mal leur dépit, avec impatience,
L'un après l'autre, ils quittent la séance.

« Quoi ! dit le singe, ai-je si mal joué?
C'est impossible ! ou de mon savoir-faire
Suis-je trop moi-même engoué ?
Non, mes amis me l'auraient avoué.
Je me réjouissais tant, hélas ! de leur plaire,
D'avoir à leur amour quelque titre de plus !
Les talents sont donc superflus,
Si l'amitié ne les révère !...
Ou bien, mes chers amis sont-ils devenus sous ! »

Du haut de l'arbre, un perroquet lui crie :
« Ne vois-tu pas qu'ils sont jaloux ?
Plus d'amis où règne l'envie !... »

Livre V, fable 18




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