L'Aigle et l'Agneau Raymond de Belfeuil (19ème siècle)

Qu'importe qu'un méchant ait la toute puissance,
Et qu'il jouisse en paix
Du fruit de ses forfaits !
Un Dieu juste l'attend et ne manque jamais
De le punir des maux qu'il fit à l'innocence.
Un aigle se disait : « Je suis le roi des airs :
Rien ne résiste à ma puissance;
Je plane sur tout l'univers,
Et ne redoute pas même l'humaine engeance. »
Ce disant, il voit un troupeau
Qui paissait aux bords d'un abîme.
Notre aigle eut bientôt fait de choisir sa victime.
Fondant sur le plus frêle agneau,
Il l'arrache au sein de sa mère,
Qui, remplissant les airs des cris de sa douleur,
Disait : « Grâce, pitié, Seigneur !
Mon fils est le seul bien qui m'attache à la terre,
Et, si vous n'êtes point touché de ma misère,
Justifiez au moins de cette cruauté :
Que vous avons-nous fait? — Oh ! rien, en vérité !
Mais j'use de ma force et de ma liberté. »
La brebis s'écria : « Dieux! ô vous que j'adore,
Laisserez-vous périr ce fils, mes seuls amours?
Ah! daignez m'exaucer; mère, je vous implore ;
Je n'espère qu'en vous, venez à mon secours ! »

De la brebis l'humble prière
Eut son effet ordinaire ;
Les dieux du tendre agneau préservèrent les jours,
L'aigle allait s'envoler tout fier de sa conquête;
Une pierre en roulant vint écraser sa tête.

Fable 18




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