Le petit Médart et le Lapin Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Un jour Melchior, mon voisin,
Pour sa femme ayant pris l'avis du médecin
Dont Tongres est si fier ; —qui, sur la simple vue
D'une fiole d'eau par le malade bue,
Juge en dernier ressort, à l'instant sans le voir,
S'il va faire à ses gens porter le crêpe noir,
Ou n'a pas de guérir toute chance perdue' ;
Mon voisin Melchior, dis-je, s'en revenait,
Pressé, tenant en main l'infaillible breuvage,
S'entend l'ordonnance. Il avait,
Pour charmer l'ennui du voyage,
Pris avec lui son fils, bonhomme de huit ans
Fort espiègle et des mieux portants.
A peine on regagnait de Frère le village,
Que le gars tout-à-coup, comme à bout de courage,
A côté du chemin sur le gazon s'assied,
Disant : «Je n'en puis plus... que j'ai mal sous le pied !
Aïe ! Oh ! je suis sûr qu'il m'y vient une cloche....
Père, si nous pouvions retourner par le coche !
Aïe !... Allons, Médard, vas-tu faire l'enfant ?
Écoute tu sais bien ce beau grand lapin blanc
Que fait quatre escalins le vieux Gille, et qu'il nomme
Son Gantois, situ veux mesuivre comme un homme,
Tu l'auras : convenu, n'est- ce pas ?... En avant !
- Père, j'ai bien du mal, pourtant ! …..
Aïe ! » Et là-dessus, Médart, en soupirant,
Lentement se relève. On marche, on sort de Frère ;
Bientôt voilà le fils qui devance le père ;
L'on va, l'on va ; Médard ne marche plus, il court ;
Juprelle est traversé ; l'on arrive à Rocour,
Sans qu'on ait pensé même à boire un petit verre.
Pour abréger, Melchior au logis,
Bien avant la soirée était avec son fils,
Grâce à la séduisante amorce.

Je conclus, pour moralité,
Qu'aux petits comme aux grands, la bonne volonté
Manque plus souvent que la force.