Paul et le Wagon Remacle Maréchal (1796 - 1871)

« Je te tiens aujourd'hui : ça, Paul, sans plus tarder,
Dis donc, enfin, vas-tu songer à t'amender ?
La vie est courte : allons, secoue
Ta honteuse torpeur ! Mais, mon cher... - Point de mais ;
Je ne te lâche pas si tu ne le promets.
- Avec une habitude aussi vieille, j'avoue
Qu'il m'est bien dur de rompre, et je crains que jamais....
— Jamais ! oh ! l'affreux mot !... De la place où nous sommes,
Regarde là-bas ces quatre hommes
Ensemble, avec un rauque et long gémissement,
De toute la vigueur de leurs dures épaules,
Le corps tendu, pousser laborieusement
Un gros wagon chargé de gaules.
Rebelle à leur quadruple effort,
Le fardeau colossal ne bouge pas d'abord,
Soit ; mais vaine est sa résistance :
Tiens, déjà le voilà qui remue et s'avance
Un peu, puis un peu plus, puis plus encor ; si bien
Que nos gaillards en moins de rien,
Grâce à leur volonté tenace,
Sur le railway le font à leur gré cheminer,
Et vont, maintenant, à sa place
L'amener sans trop se gêner.
Tu le vois, c'est toujours le premier pas qui coûte :
Résolument comme eux, allons, pousse d'abord :
Une vieille habitude est un poids lourd, sans doute ;
Tu ne la vaincras pas au premier choc, d'accord ;
Mais roidis-toi, pousse plus fort,
Une invisible force à la tienne s'ajoute,
Et tu verras bientôt que dans la bonne route
On peut marcher sans trop d'effort.

Livre I, fable 8




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