Malheur aux malfaiteurs secrets !
On ne peut d'un Dieu juste éviter les décrets.
Un renard scélérat, horreur de la nature,
Commettait les plus noirs forfaits ;
Les commettant durant la nuit obscure,
Sa conscience était en paix.
Lorsque privé de la lumière,
Eloigné de l'aspect des cieux,
IJ contentait sa rage meurtrière,
Crime n'était plus crime a ses barbares yeux.
I tuait pour tuer. Au fond d'un souterrain,
Depuis quatre moissons, vivait un vieux lapin ;
Il avait conservé deux fois douze lignées,
Pendant ses heureuses années.
Le brigand au museau pointu,
Voit un petit lapin sortir d'une trouée :
La Providence en soit louée!"
Dit-il au lapereau ; que fais-tu? d'où viens-tu?
Je tremble, monseigneur; je viens de sur herbette,
Et je vais chez mon père. — O l'excellent ami!
Son magnifique hôtel est-il bien loin d'ici ?
— Il est ici tout prés. Cette maudite bête
Suit l'innocent lapin jusque dans sa retraite.
A peine est-il entré, le perfide bourreau,
Dans le sombre terrier, qu'il tue et père et mère,
Aïeul et bisaïeul, lapin et lapereau,
Enfin toute la race entière,
Ce monstre, ce Catilina.
Massacrons, il est nuit, disait-il en lui-même ;
Dans cette obscurité, jamais on ne saura
Le résultat de notre stratagème.
En effet, qui me voit? Dieu! Dieu!
Répond une voix formidable.
Un rocher, en croulant, écrasa dans ce lieu
Ce scélérat abominable.

Livre III, Fable 20




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