Le petit-fils du plus fin des renards,
Nommé par le bon La Fontaine
Grand croqueur de poulets, affrontant les hasards,
Après avoir couru la plaine,
Aperçut une ferme, où coqs, poules, canards,
Volaient a la voix souveraine
De la fermière, et fixaient ses regards ;
Elle en comptait une centaine.
Elle leur répétait : Petit! petit! petit!
Maitre renard, qui l'entendit,
Aussitôt en lui-même dit :
« Non, nous ne serions pas dignes du nom de maître,
Si nous n'imitions pas au parfait cette voix. »
Déjà ce scélérat, ce traître,
Des poulets les plus gras a fait un heureux choix.
Le lendemain, a la même heure,
Il ne manque pas la demeure ;
Il va se tapir dans un coin,
Flairant du nez, s'y cachant avec soin,
Tenant sa proie, en idée, a sa gueule:
« Il n'en viendra pas une seule,
Disait-il; nous en croquerons ;
Nous dinerons, nous souperons,
Et demain nous déjeunerons.
Il est dans une extrême joie,
Il crie en glapissant, et croit dire : Petit;
Hélas! il ne vient pas de proie.
Dans l'ombre, de nouveau, le filou se tapit,
Et crie encor... Le fils de la fermière
(Pour lui c'était bien autre affaire !)
Arrive,... ne voit rien ;... il est tout interdit :
Maître renard de s'écrier : Petit ;
Surpris d'une étrange manière,
Le garçon suit la voix, l'œil et l'oreille en l'air;
Dans le recoin il découvre le drôle,
Et fond sur lui comme l'éclair :
Monsieur le comédien, j'admire votre rôle,
Lui disait-il en l'assommant ;
Je ne vous croyais pas si finement brigand.

La fourbe, mes amis, nuit toujours au méchant.

Livre II, Fable 8




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