Minuit sonnait au clocher du village.
La lune, rayonnant dans un ciel sans nuage,
Se mirait dans l'étang ; d'un souffle langoureux
La brise par instants caressait le feuillage
Des bois silencieux.
Tout dormait — sauf un homme, amateur du mystère,
Qui s'en allait dans le champ d'un voisin
Dérober des pommes de terre.
Il poussait sa brouette en montant le chemin ;
La roue, à chaque tour, criait en son langage :
« Nous serons pris, nous serons pris, nous serons pris ! »
Non, non ! murmurait l'homme ; et les chauves-souris
Disaient : Si, si ! sur son passage,
Et tournoyaient avec de petits cris.
Il arrive pourtant, et remplit sa brouette.
Du haut d'un gros noyer voilà qu'une chouette
Lui crie : « Hu, hu, je t'ai vu je t'ai vu ! »
Notre coquin eut peur et prit la fuite ;
Et la roue, en tournant plus vite,
Lui chantait : « Tu seras pendu,
Tu seras pendu, tu seras pendu ! »
Il rentra fort ému, mais sans autre aventure.
Tandis qu'il cachait sa capture,
Il entendit un chat qui criait : « Miaou !
Oh, le filou ! oh, le filou ! »
Il dormit mal, et rêva de gendarmes.
Il s'éveillait, honteux de ses alarmes,
Quand tout à coup le coq chanta : « Kirikiki,
Bien mal acquis, bien mal acquis ! »
Il sortit furieux. « Eh bien, oui, sale bête,
J'ai volé; mais j'aurai ta langue avec ta tète ! »
Un voisin l'entendit, vite en secret conta
La chose à sa voisine ; elle la rapporta
A deux commères fort discrètes ;
Bref, un ami courut avertir les Sergents,
Qui menèrent mon homme où vont les braves gens
Qui sans payer font leurs emplettes.
Voilà mon conte, et je crois, mes amis,
Qu'il justifie assez le titre que j'ai mis.