Certain Renard gorgé de meurtre et de rapine,
Se sentit un matin par la grâce divine,
Comme Saül — révérence parler —
Soudainement illuminer :
« Reprenons, se dit-il., une honnête existence ;
Sortons de ce chemin hérissé de remords,
Et sur lequel certains de mes consorts
Pour aller à la potence
Ont reçu leurs passeports ! »
C'est dit : il entre donc dans une métairie
Et demande un emploi de chien de basse-cour ;
Le fermier, riant fort de la plaisanterie,
Le pria, sans cérémonie,
De repasser un autre jour.
Ailleurs,, même refus ; aucun ne voulait croire
Au soudain repentir de cette âme si noire ;
C'était à dégoûter vraiment de la vertu
Un moins têtu !
Cependant, en sortant d'une Capucinière
Où le Frère portier, avec son goupillon,
Vous l'avait reconduit de la belle manière,
Il eut du Ciel une inspiration :
« Puisque l'honnêteté par tous m'est interdite »,
Se dit le nouveau converti,
« Il faut prendre un autre parti :
Essayons de me faire ermite ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait :
Dans un vieux trou du voisinage
Il installe, avec grand respect,
Une chapelle de ménage ;
Offrandes alors de pleuvoir,
Gens pieux d'accourir, pour voir
Le saint homme en son ermitage ;
Bref, se bornant à ses quatre repas,
Il vécut honoré J tranquille, gros et gras,
Sans en demander davantage.
Le monde, en fait d'honnêteté,
A d'implacables exigences ;
Il ne lui suffit pas de la réalité,
Il veut surtout les apparences.