« J'ai dit blanc, je dis noir : j'eus tort ; donc, j'ai raison.
N'est- ce pas s'expliquer très-pertinemment ? » -Non :
Mais c'est être à la mode. Oh, si se contredire,
Ayant mal raisonné, fait qu'on raisonne bien,
Vive Dieu ! mon concitoyen ;
Sa providence veille au bon sens de l'empire,
Et pour être infaillible il ne vous manque rien !
- « Quoi donc ? me nierez-vous cet adage ancien :
Le contraire du faux c'est le vrai ? » -Bel adage !
Les esprits de travers, qui se gourment entre eux,
Avec le sens commun s'en accordent-ils mieux ?
-
« Mais enfin, selon vous, quelle règle plus sage
La raison ?... -La raison ? meuble de grand usage !
Lorgnette d'Opéra qui, dans un tour de main,
De Ligier fait Atlas, et de Saint-Prix un nain !
Que dis-je ? est-ce à ta main qu'obéit ta lorgnette,
Bon homme ? tourne-t-elle au gré de tes cinq doigts ?
Hélas ! pauvre marionnette !
La fortune toujours te place la lunette ;
Tu vois l'objet décroître ou grossir à son choix.
Ceci posé, mon cher, vois-tu ce que tu vois ?
Yvois- tu ? ta raison qu'est-elle ? la fortune.
Viendrais-tu d'avaler ta fiole dans la lune,
Un roi, sans garde et sans trésor,
Que sera-t-il pour toi ? Nabuchodonosor,
De Dieu devenu bœuf. << Argument bien étrange !
Un général vaincu devient-il caporal ? »
-Pas toujours : en Floride on le scalpe et le mange.
Ailleurs, du télégraphe a-t-on vu le signal ?
Rival d'Amphitryon devient Crispin rival
De connaître Oh, messieurs ! je ne prend spas le change :
Jupiter dinait bien, et Crispin soupe mal :
Quand sa table a changé, votre lorgnette change.
D'en avoir fait un dieu la fortune se venge.
Lisez : de vos arrêts voici l'original.
Un centaure beau comme un ange,
Chevelure d'Athys, barbe naissante, œil bleu,
A mi-buste caché par la moisson nouvelle,
S'offre aux yeux d'une nymphe : « Oh, bel homme ! dit-elle.
Bel homme ? Hé, sotte ! non ; ce regard pleinde feu,
Ce front de Jupiter te dément, et décèle
L'Olympe... oui, del'encens, des hymnes ! C'est un dicu ! »
Hélas ! promis à peine à la céleste troupe,
L'imprudent se retourne ; il laisse voir sa croupe,
Ses fanons, ses sabots. Adieu l'Olympe, adieu
Les hymnes et l'encens ! voilà le dieu qui trotte.
La nymphe à ce tour-là se trouve encor plus sotte.
J'avais tort ; jugeons-mieux, dit-elle :... oh, l'animal !
Un, deux, trois, quatre pieds... des crins... c'est un cheval !
Pas de doute, à ce coup, la bête est bien nommée. »
Trois fois se contredire, et trois fois juger mal !...
C'était pourtant la Renommée.
Ô vous done qu'Oromaze, et parfois son rival,
Met à la tête d'une armée,
D'une flotte ou d'un peuple, il n'importe ; amiral,
Chef guerrier, roi despote, ou prince libéral,
Qu'attend la Renommée au bout de la carrière,
En avant ! Soyez dieu ! gardez de reculer.
Si la nymphe, un moment, vous toise par derrière ',
Vous savez de quel nom le dieu va s'appeler.