De deux Chiennez Ysopet I (Moyen Âge)

Une povre chienne truande
Et prains, a une autre demande
Que, pour Dieu, lui prest son hosté
Tant que ses flancs et son costé
De ses ehiens soient délivré ;
Et la sotte a l’hostel livré,
Et s’en va ailleurs pourchacier :
Bon loisir a d’aler chacier.
Tant est venue, tant est alée
Que l’autre lice a chaalée.
A son hostel vient et demande
Que celle son hostel li rende.
Celle ci fait la sourde oreille,
Et ferme bien l’uis et verroille :
Et celle dehors la menace
Pour ce cuide que issir l’an face.
Mais d’illec ne la puet chacier
Pour prier ne pour menacier.
L’une de douleur se courrouce,
Et l’autre s’enhardist et grouce
Qui se sent forte avec ses chiens.
L’autre voit que ne lui vault riens,
Et qu’elle est seule : si s’en vet,
Bien voit qu’elle a perdu son plet.

Qui croit paroles doucereuses
Souvent les treuve venimeuses.
Le doux chant desoit l’oisillon,
L’enfançonnet, le papillon:
Quant plus doucement la seraine
Chante, a lui les nageurs amaine.
Aucune foiz les faut mourir
Quant l’en ne les puet secourir.

Tiré du le livre Fables inédites des XIIè, XIIIè, XIVè siècles et Fables de la Fontaine, par A.C. M. Robert, 1825, p.116


Fable IX

Notes

Truande : mendiant
Prains : grosse, enceinte, de prçegnans
Pourchacier : chercher, rechercher
Chaalée : de chaaler, chienner
—Yssir ou issir : sortir
Seraine : sirène.


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