Un sémillant Linot, venu d'Andalousie,
S'était niché près d'un jardin français,
Où mille fleurs rivalisaient d'attraits,
Sans éprouver la moindre jalousie.
De la graine du Lin leste investigateur,
L'oiseau de son aile légère
Parcourait le riche parterre
Où les filles de Flore étalaient leur fraîcheur.
« Que je plains, répétait ce chantre voyageur,
Leur existence sédentaire !
Changer de nids et de climats,
En divers lieux prendre divers ébats,
Tels sont les doux plaisirs qui seuls savent me plaire. »
Un Lychnis répondit : « Là, tu vois le bonheur :
Ton naturel ambulant et volage
Te classe aux rang des oiseaux de passage,
Et ta tête légère égare un peu ton cœur.
Apprends qu'autour de nous végète mainte fleur
Qui pendant sa jeunesse a fait un long voyage.
Moi-même j'ai vécu parmi les Japonais,
Pour qui ma belle fleur a de puissants attraits.
La superbe Tulipe est née en Tartarie.
Le Phlox, au doux parfum, vient de la Sibérie,
Des plaines de Memphis, le tendre Réséda,
La riche Verge-d'Or, des bois du Canada.
Non loin du Romarin que vit naître l'Espagne,
Croît le bleuâtre Iris qui sort de l'Allemagne.
La douce Marjolaine, honneur du Simoïs,
Parfume l'Orme nain des bords du Tanaïs.
La Reine-Marguerite arrivant de la Chine,
D'un de nos beaux Œillets rappelle l'origine.
Enfin les végétaux, ornements de ces lieux,
Dans les pays lointains ont tous quelques aïeux ;
Mais ils n'ont plus le même caractère ;
Leur figure est changée ainsi que leur couleur.
Il faut pour être heureux ne point quitter sa mère ;
Un sort errant ne conduit qu'à l'erreur. »
Objets de notre amour, êtres que rien n'égale,
Consacrez au repos votre âme et votre esprit :
Comme d'aimables fleurs la nature vous fit
Pour l'ornement de la terre natale.
Un Lychnis est une fleur des champs rose.