La fête d'un bon Roi Alexis Rousset (1799 - 1885)

Je vais célébrer un bon roi :
Je suis tout heureux de le faire,
Le cas n'étant pas ordinaire,
Mais, au contraire,
Un peu trop rare, selon moi.

C'était la fête de ce prince ;
La cour, la ville et la province
Célébraient son règne à l'envi.
Tout le royaume était ravi
De voir son bonheur et sa gloire.
Il était juste, bon, trop clément, généreux ;
Déjà son nom vivait au temple de mémoire...
Et vraiment cet éloge était si chaleureux,
Qu'on se voyait forcé d'y croire.
Le prince y croyait, et ses yeux
Exprimaient une douce ivresse ;
Mais ce concert délicieux
Fut tout-à-coup troublé par des cris de détresse.
Ils arrivaient jusqu'au palais,
Et probablement tout exprès.
Un peu de pain pour moi, de grâce,
Pour un vieillard infortuné,
Qui dans les grandeurs était né,
Mais qu'une soudaine disgrâce
Au plus injuste exil a longtemps condamné.
Le prince a reconnu cette voix qui l'accuse ;
Il est pensif et n'entend plus
Les adulateurs que récuse
Un cœur pourtant plein de vertus.
Le cri d'une seule victime
Dont le malheur existe encor,
A soudain arrêté l'essor
De l'orgueil le plus légitime.

- Courez, courez, dit le bon roi...
On comprend le reste sans moi.

Livre III, fable 1




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