Les deux Ruisseaux Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Deux Ruisseaux, échappés des flancs d'une montagne,
Allaient du tribut de leurs eaux
Enrichir la même campagne,
Par mille invisibles canaux,
L'un, promenant son cours, arrosait en silence
Les fleurs, les gazons, les roseaux,
Et portait en tous lieux la vie et l'abondance.
L'autre avec bruit roulait ses flots ;
Il les précipitait de cascade en cascade,
Et, sur le ton d'un fleuve, il parlait en ces mots
Ason modeste camarade :
Sans nous que deviendraient ces vignes, ces ormeaux,
Ces brillants tapis de verdure,
Et ces riches vallons, et ces riants coteaux ?
N'est-ce pas à nous seuls qu'ils doivent leur parure ?... -
Son compagnon l'interrompit,
Et doucement lui répondit :
Ami, tu t'en fais trop accroire ;
Apprends qu'il ne sied pas de prendre un ton si haut,
Et qu'un bienfait reste sans gloire
Quand le bienfaiteur s'en prévaut.

Livre I, fable 2




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