Le Petit Chien Antoine Vitallis (1749 - 1830)

La vanité nous rend aussi dupes que sots. Je me souviens, à ce propos, qu’ au temps jadis, après une sanglante guerre où, malgré les plus beaux exploits, maint lion fut couché par terre, l’ éléphant régna dans les bois. Le vainqueur, politique habile, voulant prévenir désormais jusqu’ au moindre sujet de discorde civile, de ses vastes états exila pour jamais la race des lions, son ancienne ennemie. L’ édit fut proclamé. Les lions affoiblis, se soumettant au sort qui les avoit trahis, abandonnent tous leur patrie. Ils ne se plaignent pas, ils gardent dans leur cœur et leur courage et leur douleur. Un bon vieux petit chien, de la charmante espèce de ceux qui vont portant jusqu’ au milieu du dos une toison tombant à flots, exhaloit ainsi sa tristesse : il faut donc vous quitter, ô pénates chéris ! Un barbare, à l’ âge où je suis, m’ oblige à renoncer aux lieux qui m’ ont vu naître. Sans appui, sans secours, dans un pays nouveau je vais, les yeux en pleurs, demander un tombeau, qu’ on me refusera peut-être. ô tyran, tu le veux ! Allons ! Il faut partir. Un barbet l’ entendit : touché de sa misère, quel motif, lui dit-il, peut t’ obliger à fuir ? -ce qui m’ y force, ô ciel ! Et cet édit sévère qui nous chasse à jamais de cet heureux canton… ? -nous ? -non pas vous, mais moi. -comment ! Toi, mon cher frère ? Qu’ as-tu donc de commun… ? -plaisante question ! Eh ! Ne suis-je pas un lion ?





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