Le Lièvre conspirateur Bourgeois-Guillon (19è siècle)

Pendant que notre lièvre est en pays lointains,
Sottement à suivre à la piste,
Taureaux, béliers et cerfs et daims,
Dont il ne reçoit que dédains,
Dans son pays il est mis sur la liste
Des émigrés ; si bien, qu'à son retour,
Croyant jouir enfin du repos, un beau jour
Il est traduit devant l'affreux repaire
De tigres, d'ours, s'étant tous érigés, dit-on,
Après avoir égorgé le lion,
En tribunal révolutionnaire.
À l'étranger qu'allais-tu faire ?
À notre lièvre crie un exterminateur. :
Qui t'a pu faire ainsi quitter les tiens ! - La peur.
Vous l'entendez, dit l'autre, en fronçant sa moustache ;
Vous l'entendez, mes frères, c'est un lâche
Trop digne de notre courroux.
Et qui t'a-fait rentrer malgré la loi ? - La honte.
— Honte de quoi ? Si ta réponse est prompte,
Elle n'est pas claire pour nous.
Toujours est-il qu'avec furie
Tu conspiras. Allons, renards et loups,
Vengez les lois et la patrie.
Sans trop avoir de regrets à la vie,
Notre lièvre bientôt expira sous leurs coups.

De ce lièvre le sort fut à coup sûr fort triste.
De par le monde on voit plus d'un humain
Ainsi maltraité du destin,
Qu'on pourrait excuser d'être un peu fataliste.

Livre I, Fable 17




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