Moufflard et le Porc noyé Bourgeois-Guillon (19è siècle)

De quais en quais, tant bien que mal,
Cherchant un incertain, un mesquin ordinaire,
Mon Moufflard vit un corps flottant sur la rivière.
Qu'est-ce, dit-il, en vain je flaire,
Je ne puis deviner quel est cet animal.
N'importe, âne, bœuf, ou cheval,
C'est toujours fameuse curée.
Patientons quelque moment.
Le vent et même le courant
Vont l'amener à ma portée.
Lorsqu'elle y fut, voilà que notre chien
S'élance soudain à la nage
Pour attaquer l'objet à l'abordage ;
Non sans effort, il fait si bien
Qu'il l'amène sur lé rivage :
C'était un porc gros et gras, mais pourri,
Déjà de vers presque rempli.
N'importe, dit Moufflard, ce sera bien dommage,
Si l'on n'en peut tirer aile ou cuisse. Déjà
Avec ardeur il se met à l'ouvrage,
Quand tous les chiens du voisinage
Corbeaux mêmes, et coetera,
(Car plus d'un pauvre aussi, je pense, s'y trouva,
Vinrent lui disputer sa proie.
Il lui fallu rabattre de sa joie,
Et se contenter de sa part.
Sa peine ne fut pas absolument stérile,
Mais le bonheur n'est pas fait pour Moufflard !..

Tel, par génie ou par hasard,
Fait une découverte utile,
On voit bientôt concurrents et rivaux
Venir, par centaine et par mille
Ravir ou partager le fruit de ses travaux.

Livre III, Fable 15


Imité de La Fontaine

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