Sachons dissimuler une injure légère
Pour éviter de grands débats.
S'il eût ainsi pensé, le grave Ménélas
N'eût pas commencé cette guerre
Qui de tant de héros dut causer le trépas.
Aux animaux bien moins qu'à nous, hélas J
Cette prudence est étrangère.
Sur son palier, le jeune Soliman,
La fleur des chiens, voire des chiens de chasse,
Bouillant de jeunesse et d'audace,
De son endroit était le vrai sultan.
Que dis-je ! il en était même un peu le tyran.
Devant lui trop près si l'on passe,
Et, je ne dis pas seulement
Porteurs de blouse ou de besace,
Monsieur le Soliman vous fait une grimace,
Vous montre une certaine dent
Qui vous force bientôt d'abandonner la place.
On pense bien qu'il l'emporte aisément
Sur ses rivaux ; il n'est pas une Hélène
Dont il n'ait obtenu la première faveur.
Certes qu'il eût dans son domaine
Rétabli le droit du Seigneur.
Un jour pourtant, dans son village
Vient à passer d'un gros fermier voisin
Le dogue : ce n'est qu'un mâtin ;
De Soliman à peine s'il a l'âge ;
Moufllard n'est si brillant ; mais en fait de corsage
A Soliman Moufllard ne cède rien.
Passant donc près de lui, Soliman d'un air rude
L'accueille ; il en avait contracté l'habitude.
L'autre, revenant sur ses pas,
Le toise : j'étais-Ià, ne sais plus pour quel cas ;
Je voulus voir la fin de l'aventure.
Déjà, d'un oeil brûlant l'un l'autre se mesure,
En roulemens déjà la menace murmure,
De l'un et l'autre ils on fait quatre fois le tour ;
Mais, présumant leur force égale,
Chacun de son côté détale :
lis se battront peut-être un autre jour.
Quelle que soit l'humeur, fougueuse ou libérale,
Imitez les, pauvres-humains.
Vous allez voir deux fous, las ! en venir aux mains,
Bien en dépit de ma morale.