Le Rat de Ville et le Rat des Champs Charles Beaulieu (19ème)

À venir dans son asile,
Rat des champs, au temps jadis,
Invita le rat de ville,
Pour dîner, dans son logis ;
Non, que mon repas rustique,
Dit-il, soit bien dans vos goûts,
Mais de rendre je me pique,
Celui que j'ai pris chez vous.

Depuis huit jours légataire
De mon oncle le rentier...
Quoi ! votre oncle... - Il est en terre,
Et je suis son héritier.
Si nous ne faisons bombance,
En l'honneur de ses travaux ;
Du moins par reconnaissance,
Nous boirons à son repos.

On arrive et l'on s'attable,
Le couvert se trouvait mis,
Pour mets... Quel mets détestable !
Quelques grains déjà moisis ;
En voyant cette pitance,
Rat de ville, au rat des champs,
Tire mainte réverence,
En disant entre ses dents :

Adieu. Peste soit du rustre,
De m'avoir fait échiner,
En venant... moi, rat illustre,
Pour un si pauvre dîner ;
J'aime mieux le peu qu'on mange,
Après tout dans un salon ;
Si par fois on vous dérange,
Du moins l'on y mange bon.

Livre I, fable 9




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