Convenez avec moi que la bonne nature
Nous a fait naître dans un temps
Où la vie, à Paris, a bien des agréments ;
Où chacun, pour six sous, peut aller en voiture
Visiter ses amis, embrasser ses parents,
Sans user pour cela ni jambes, ni chaussure.
Certes, une telle invention
Signale un siècle de lumière ;
Mais si, dans mainte occasion,
Par son utilité l'Omnibus peut nous plaire,
Il est juste de dire, en compensation,
Que tout n'est pas plaisir dans ce char populaire,
Où seize voyageurs, pêle-mêle entassés,
Doivent, petits ou gros, se trouver tous placés.
Là, je suis à la gêne, et mon habit se fripe
Entre l'homme au parfum de pipe
Et la femme entr'ouvrant un panier de poisson.
Bientôt auprès de nous avec effort se hisse
L'énorme paysanne, odorante nourrice,
Dont l'enfant nouveau-né vient faire sans façon
Ce que sait faire un nourrisson.,..
Je veux dire qu'il crie à nous rompre la tête.
J'ai hâte d'arriver, le char vingt fois s'arrête ;
Enfin se place un couple honnêtement replet,
Le conducteur alors veut bien crier ; Complet !
Cependant l'on chemine, et bientôt se retire
Mon voisin, laissant après soi
Un espace que je désire.
Mais qu'importe à présent qu'à l'aise je respire ?
Je reconnais ma porte, et me voici chez moi.
Hélas ! on voit ici l'image de la vie ;
Les trois quarts de nos jours sont durs et soucieux ;
Et lorsqu'après la peine on se trouve enfin mieux,
La course est près d'être finie.