Henri IV et Crillon Etienne Catalan (1792 - 1868)

Un démenti vaut un soufflet ! ...-
Un soufflet ?... C'est selon le motif, s'il vous plaît :
J'ai pour le Point d'honneur beaucoup de déférence ;
Mais, je vous veux prouver, catégoriquement,
Qu'un démenti, parfois, vaut un remercîment.
Le grand, le bon Henri, ce Prince que la France
Aima comme son père, encor qu'il fût son Roi,
Henri,-ventre-saint-gris , me démente, qui l'ose !
En fait d'honneur, c'était un bon clerc , que je croi ; -
Henri sera le garant de la chose.
Le bon Roi donc, voyant venir Crillon, un jour
Où nombre d'Étrangers se trouvaient à sa Cour :
Messieurs, dit-il , voilà le Gentilhomme ,
Et Dieu ne m'en dédirait pas
Le plus brave de ceux qui soient en mes États.
Mais, Crillon : Sire, Dieu sait comme
Vous en avez menti ; le plus brave de tous,
C'est vous !
Bien le voyez, poursuit le Roi, c'est face à face
Que toujours il s'attaque aux gens : Merci, Crillon,
Merci, tu m'as donné raison !

Venez, fier Spadassin, permettez qu'on vous place,
Pour un moment, sur le trône d'Henri,
Et que ce soit à vous que Crillon ait l'audace
D'adresser ce beau démenti :
Allez- vous donc , au preux, faire une horrible moue,
Et, d'un soufflet vengeur, hypothéquer sa joue ?
Non ; comme le bon Roi, vous en rirez tout haut...
Mais, quel que soit le cas, mon ami, s'il le faut,
Attendez que celui qui vous dément s'explique ;
Chant chromatique, ou chant diatonique,
Le proverbe jamais ne vous fera défaut :
C'est le ton qui fait la musique.

Livre VI, fable 15




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