Le Voleur et son Butin Etienne Catalan (1792 - 1868)

Dans un mouvement populaire,
On pillait la maison d'un riche Publicain.
Certain Arabe, acteur en cette affaire,
Ayant rencontré sous sa main
Un sac plein d'or, craignit que son Butin
Des pillards n'excitât l'envie ;
La maison en était remplie,
La cour aussi, la rue également...
Piller est un plaisir si grand,
Que la terre en pillards abonde :
Prince, Peuple, Soldat, tout pille en ce bas monde ;
Le rang seul y change le nom...

Notre Arabe donc en lui-même
Méditait par quel stratagème
Il pourrait gagner sa maison,
Sans exposer le fruit de sa rapine,
Lorsque, du Financier traversant la cuisine,
Il voit, près d'être mis au feu dans un chaudron,
Un vrai mets de Traitant : Bon ! dit-il, autre proie ;
Vive Comus, qui nous l'envoie !
Mais, peut-être, il y manque un peu de sel encor :
Le Larron, aussitôt, d'y jeter son trésor,
Et, plaçant le tout sur sa tête,
De déloger incontinent.
Lors, chacun de lui se moquant :
Rangez-vous, place au Roi de la conquête !
S'écriait l'un... Sans doute, de la fête,
Il va, disait un autre, apprêter le festin ……
Un troisième Quand Paul moissonne, le matin,
Pierre a raison, le soir, d'aiguiser sa faucille,
Car, il fait bon glaner après tel sot ... Messieurs,
Répondait notre homme aux railleurs,
J'ai pris ce dont, pour l'instant, ma famille
A le plus grand besoin . Moins sot qu'eux, l'Aigrefin,
A leur barbe emportant son précieux larcin,
Parvint, sans coup férir, jusques en sa retraite ;
Et, le voilà riche à plaisir.

Ces Arabes, pour réussir,
Ont, mafoi, ce qu'il faut : non, certes, que j'admette
Que tout moyen soit bon, qui nous fasse acquérir ;
Non que, me damnant, je permette
Qu'on pille et dévalise autrui pour s'enrichir.
Mais, dis-je à qui veut la richesse,
Ne vous endormez point, vienne l'occasion ;
Et si, de mon héros, vous goûtez peu l'adresse,
Écoutez du moins la sagesse
De Lockman, l'Isopet de cette nation,
Dont voici l'allocution :
« Tout autant que l'Amour la Fortune est volage,
Tâchez, pauvres mortels, de saisir au passage
Ce qu'aujourd'hui vous présente sa main ;
Hâtez-vous ! le caprice incessamment l'entraîne,
Il n'est pas sûr qu'il la ramène
Demain. »