La Barre de fer et le Forgeron Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Une barre de fer dans la fournaise ardente
S’écriait tristement: « Pourquoi me brûle-t-on ?
Pourquoi cet homme noir qu’on nomme forgeron,
Me laisse-t-il ainsi dans sa forge étouffante
Perdre ma dureté dans son rouge charbon ?
Au sortir de son feu, je tombe sur l’enclume,
Il me frappe et me brise avec son lourd marteau ;
Contre moi sa fureur à tout instant s’allume,
Le voilà qui me met dans son affreux étau !
Il me serre si fort que ma peau se fendille.
Pour me percer, je vois qu’il apprête sa vrille,
Ce hideux forgeron veut être mon bourreau ! »
Le forgeron lui dit : « C’est vrai, je te tourmente,
Mais pour faire de toi la lame étincelante
D’un instrument de fin acier :
La chaleur et les coups te font lame tranchante ;
Cesse donc de crier, bloc informe et grossier. »

Ici se termine ma fable.
Voici l’enseignement que l’on peut en tirer :
Souvent nous gémissons d’un ton fort lamentable,
Souvent l’on nous entend sottement murmurer
Lorsqu’il faudrait pousser mille cris d’allégresse.
Dieu le Grand Ouvrier nous travaille et nous presse
Sur l’enclume de la douleur,
Pour que l’adversité nous mène à la sagesse.
L’infortune, souvent vient ennoblir un cœur !
Des jours de notre enfance à ceux de la vieillesse
Sans nous plaindre sachons souffrir.
Le fer s’il n’est forgé, ne peut guère servir,
Il doit passer au feu pour être malléable.
Lorsque nous souffrirons, pensons à l’avenir,
Et la douleur deviendra supportable.

Livre I, Fable 4, 1856


En devine des relents de stoïcisme compris de travers, comme dans La mort du Loup de Vigny, où l'on n'envisage aller au delà de la souffrance mais simplement souffrir en ravalant ses pleurs.

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