Le Cerf et la Brebis Gilles Corrozet (1510 - 1568)

Promesse par force ne se doit tenir.

Force par force se repousse,
Par le conseil ou par l’espée,
Fraulde par la fraulde est trompée :
Jamais trompeur n’a cueillit mousse.


Ung jour le Cerf feit la Brebis venir
Devant le Loup, et luy feit la demande
D’ung muy de bled ; elle n’a souvenir
De le devoir; alors le Loup commande,
Pour eviter les despens et ’'amande,
Qu’a certain jour elle payast la debte.
De paour du Loup ceste Brebis s’endebte,
S’oblige a force et promect a payer.
Le jour venu, le Cerf, sans delayer,
Davoir le bled de la Brebis s’efforce:
Alors respond la pauyrette affligée
Que par promesse elle n'est obligée,
Pour ce quelle a esté fatcte par force.

Selon le droict et toute loy civille,
Quiconques faict par force une promesse
Ne doit tenir, car elle est inutille
Quand en ce poinct on le contraint et presse.
Tout obligé de foy et lettre expresse
N’a nul effect, s'il nest en liberté.
Celluy qui est en prison arresté,
Ou est devant ung juge furieux,
Il promect tout ce qu’on demande et mieulx,
Et bien souvent le cas peult advenir
Que, pour n’avoir quelque peine et dommaige,
On promect bien a son desavantaige ;
Mats le contract ne doit jamais tenir.
Fable 25


Titre original : Du Cerf et de la Brebis

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