L'Hirondelle et le Moineau Henry Macqueron (1851 - 1888)

« Maman! maman! par bonheur
Je vis encore. Ah! l’horrible frayeur ! »
Ainsi criait une jeune Hirondelle
Essoufflée, à tire-d’aile
Vers le logis maternel se pressant.
« Chère enfant, dis-moi, de grâce,
Ce qu’on t’a fait. Tu me glaces le sang!
— Tout à l'heure, dans l’espace,
Voltigeant par-ci, par-là,
A faire aux cousins la chasse
Je m’exerçais, quand voila
Qu’un gros Moineau me déclare la guerre.
Vilain méchant ! je ne lui disais rien.
Tout nous pillant, car je ripostais bien,
Nous roulons tous deux par terre.
Un homme accourt, qui nous prend a l’instant;
Au Moineau, crac! tord le cou tout de suite.
Alors, je crus... Ne tremble donc pas tant,
Je suis bien la ; point d’homme à ma poursuite.
I] ne m’a fait aucun mal, tant s’en faut.
Il rajustait ma toilette,
Il me choyait; puis, tout haut,
Me promettant une libre retraite,
Voila qu'il a déclamé,
Il parlait, entre autres choses,
Du printemps, saison des roses,
Et de quelqu’un qu’il a Progné nommé;
De nous aussi. Mais je n’ai compris guère,
Sinon, pour être sincère,
Qu’à notre endroit il a bien radoté.
Oh! maman! qu'il était bête !
— Sans doute, enfant, cet homme est un poète.
— Ah! c’est donc ca! Mais comme il a traité
Ce pauvre oiseau! D’où cette différence ?
— L’homme, ma fille, est tellement bâti
Qu’on peut s’en faire un excellent parti,
Un ami plein d’égards, de déférence,
Mais il faudrait ne lui demander brin.
De moucherons (l'homme n’en use guère)
Nous faisons notre ordinaire ;
Pour les oiseaux et lui mûrit le grain.
Ma chère enfant, c’est là tout le mystère. »

Fable 20




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