Un Homme et la Santé faisaient voyage ensemble.
L'Homme d'abord courait, il était plein d'ardeur.
Sa compagne lui dit : •< Camarade, il me semble
Que tu cours un peu fort; ménage ta vigueur :
Tu n'iras pas, crois-moi, bien longtemps de la sorte!
L'Homme fait sourde oreille, et sa fougue l'emporte ;
Il n'en va que plus vite. « Ah ! tu fais l'entêté !
Va donc tout seul, dit la Santé;
lu maudiras un jour ta conduite imprudente ! »
Elle reste en arrière, et le suit par pitié.
A peine de sa course il était à moitié,
Que soufflant, hors d'haleine, et d'une voix dolente,
Il lui faut à son aide invoquer la Santé.
Celle-ci d'accourir. Dès-lors, réconforté,
L'Homme reprend sa route et chemine avec elle.
Mais il n'a déjà plus son ardeur d'autrefois,
Il s'arrête souvent, il trébuche, il chancelle.
« Ma compagne, dit-il, ô Santé! tu le vois,
Je ne puis plus marcher; Santé, ma voix t'appelle! »
Celle-ci lui répond : « Crois-tu donc que toujours
Il me faudra songer à te porter secours ?
Tu devais écouter mon conseil salutaire ;
Tu ne l'as pas voulu ; je suis sourde à mon tour... »
L'Homme veut répliquer à ce propos sévère;
Mais la Santé le quitte et s'enfuit sans retour.