Le roi lion aimait les poules à l'excès;
Mais pour conserver sa volaille
Ses soins n'avaient aucun succès.
Rien d'étonnant : par la muraille
Les maraudeurs trouvaient un très-facile accès.
A toute heure, une poule ou se trouvait volée,
Ou, voyant le champ libre, avait pris sa volée.
Au dommage pour couper court,
Notre Majesté désolée
D'un grand poulailler neuf veut qu'on orne sa cour ;
Il lui faut un local construit de telle sorte
Qu'un voleur d'y piller ne soit jamais tenté,
Et que les habitants, sans en franchir la porte,
Trouvent dans leur logis toute commodité.
Le bruit public au roi désigne
Pour architecte un fin renard
Qui, passé maître dans son art,
D'être choisi paraissait digne.
L'affaire est dans ses mains. Le vaste monument
Avec zèle entrepris s'achève en un moment.
L'artiste n'a compté ni ses soins ni ses veilles;
On vient voir, on regarde : on ne peut qu'admirer:
L'architecte a fait des merveilles,
Et rien dans les détails ne laisse à désirer :
Auges partout d'accès facile. Nombreux perchoirs pour se jucher;
Abri plus chaud pour se cacher
Lorsque le temps devient hostile;
Pour les couveuses, à l'écart.
Petit réduit commode et sombre,
Rien n'y manquait. Chacun criait : « Gloire au renard ! »
Pensions et cadeaux pleuvaient sur lui sans nombre.
Sa Majesté lionne en leur nouveau palais
Avec empressement fait passer ses poulets.
Mais tout en va-t-il mieux ? Non , la muraille est haute,
La porte est bien solide, et pourtant (qui l'eût cru ?)
On remarque à toute heure un poulet disparu!
D'où vient le mal? A qui la faute?
Sa Majesté veut , sans retard,
Qu'avec ces vols on en finisse;
11 met aux aguets sa police.
Et qui prend-on?... Maître renard !
Il avait tout construit d'une façon si sûre,
Qu'au poulailler dès lors nul voleur n'avait nui ;
Mais prudemment dans la clôture
Notre pendard avait pour lui
Su ménager une ouverture.