Oui, monsieur, vos talents, vos mœurs, votre science
Vous ont acquis toute ma confiance,
Disait une oie en parlant au héron,
Dans le pays précepteur de renom.
Voici ma famille nombreuse,
Daignez la recevoir ; ainsi que mon époux,
Je dois m'estimer fort heureuse
De pouvair lui donner un mentor tel que vous.
Nous ne vous prescrivons ni règle, ni système ;
Suivez vos principes, vos goûts,
Mais de grâce, monsieur, envers ces fils que j'aime
Soyez sévère, et, pour leur plus grand bien,
Vices, mauvais penchants, fautes, ne passez rien.
Notre héron avec beaucoup de zèle
Remplit sa fonction nouvelle ;
De ses élèves les oisons
Il surveilla les mœurs, les liaisons ;
Leur enseigna la rhétorique ;
Sur les beaux-arts leur donna des leçons,
Et voulut même y joindre un cours de gymnastique,
Car il n'ignorait pas que la force du corps
De l'âme et de l'esprit fait valoir les trésors.
Mais, après bien des soins, voyant avec tristesse
Que toujours ses oisons marchaient d'un pas pesant,
Privé de grâce et de souplesse,
Et qu'ils allaient se balançant
Comme un esquif battu de l'onde amère,
Il crut de ce défaut, qu'il jugeait capital,
Devoir tout franchement faire part à la mère.
Comment! que dites-vous? Que mes fils marchent mal...
Monsieur le précepteur, apprenez, je vous prie,
Que dans notre famille on marcha toujours bien,
Et qu'on en vante ici le port et le maintien.
Nous, marcher mal ? mais quelle rêverie !
C'est avair perdu la raison.
Pour prix de sa franchise extrême,
L'instituteur, dès le jour même
Fut renvoyé de la maison.