Le Roquet et le Mâtin John Gay (1685 - 1732)

Un vil petit Roquet, sournois, menteur et traître,
Mouchardait chaque jour pour le compte du maître,
Si bien qu'en peu de temps, par sa mauvaise foi
La maison fut en désarroi.
Tantôt c'était dame Minette
Que, sur un faux rapport, sans tambour ni trompette ,
On mettait à la porte, -ou c'était le Mâtin
Qu'on houspillait, -ou bien le Chien de chasse
Qui soudain tombait en disgrâce,
Ou bien le Singe accusé d'un larcin ;
Sans trop savoir pourquoi chacun dans cette passe,
Se défia de son voisin.

Or, un voleur cherchant à faire maison nette,
Enjôla la servante en lui constant fleurette,
Flatta, cajola le Roquet,
Acheta son silence avec os de poulet ;
Puis au Mâtin fut faire une offre . .
Repoussé tout d'abord, mais pensant qu'il mésoffre
Pour offrir davantage il avance la main,
L'honnête Chien lui mord les doigts soudain.
Le Roquet de courir en informer le maître ;
Il arrive, et sans en connaître
Il attache la hart autour du cou du Chien.
Mais celui-ci de présenter requête
A cet effet qu' avant de serrer le lien
Sur les faits il soit fait enquête.
Le Maître a dit : " C'est juste, je veux bien."
Et sur ce, de prendre séance,
Les Chiens sont confrontés et la cause commence.
Le Roquet dit comment il vit le sang couler,
Et sur un si grand crime, il eut soin de hâbler.

"Maître, ne croyez pas ce mouchard quand il ose
Se targuer de sa trahison ;
Os de poulets pour lui, fleurettes à Suzon,
Et le tout en moyenne dose
Etaient le prix conclu du vol de la maison. "
Il dit. La vérité du mensonge eut raison,
Le Roquet fut pendu, le Mâtin mis hors cause.

Livre I, fable 26




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