Un jour avec l'aurore
Toute humide de pleurs,
Se leva Pythagore
Pour respirer le doux parfum des fleurs.
Abîmé dans sa rêverie
Bientôt il se trouva près d'une métairie.
Juché sur une échelle, un maître paysan
De son marteau frappait un bruyant pan, pan, pan,
Qui faisait vaciller la grange peu solide.
"Pourquoi frapper si fort, et d'un bras si rapide
Dis-moi l'ami ? ” —“ Voilà " dit le rustaud,
"Je frappe parce qu'il le faut,
Je frappe fort pour mieux incruster ma vengeance,
Car vengeance est justice en aussi grave offense.
Voyez plutôt ce Milan éhonté
Tout gorgé de rapine et de férocité,
Mes Poules, mes Dindons tout tombait sous sa griffe,
Mais il est mort enfin le vilain escogriffe,
De ses ailes aussi je fais un éventail
Pour mieux à ses pareils servir d'épouvantail :
Ma basse cour est désormais sauvée,
Je vais voir engraisser et volaille et couvée."
"Bien jugé ! mon ami, " dit le Sage, " il est bon
Que pour le bien public soit occis un larron :
Cependant m'est avis, la sentence est sévère
Pour ces tyrans de l'air ; -car pour l'homme que faire ?
Pour l'homme ! ce roi des gloutons,
Qui dévore à la fois Bœufs, Canards et Moutons ?
Oh ! l'impudeur de la puissance !
Condamner un Milan pour si chétive offense,
Tandis que toi, vil pécheur endurci
Peut-être d'un Poulet tu dineras aussi ! "
"Halte là, s'il vous plait, dit le rustre en colère,
Ce propos n'est pas fait pour plaire :
Aux Eperviers, à tout voleur,
Aux Milans, jamais d'amnistie,
Sur tous les animaux l'homme a suprématie,
L'homme en est le maître et seigneur !"
"Tout beau ! reprit alors le Sage
Ainsi se vante un tyran imposteur ;
D'un pouvair orgueilleux, ainsi nait l'esclavage :
Ton Milan tu le mets à mort
Pour maintenir ton luxe davantage,
Et par quel droit ?... Par le droit du plus fort."
Petits fripons sont pendus, c'est leur sort,
Tandis que grands voleurs vont en bel équipage !