L'Extrait baptistaire et l'Extrait mortuaire Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un Extrait baptistaire
Surpris d'être à côté
D'un Extrait mortuaire,
Lui dit : « Ah! bonjour, frère :
De te voir je suis enchanté,
Et cependant je ne le devrais guère,
Car tout ce que je fais,
Constamment tu te plais
À le défaire.
Raisonnons sur l'humanité.
De cette chaîne immense, embrassant tous les hommes
Ici-bas , Extraits que nous sommes ,
Nous formons chaque extrémité.
Que dis-tu de la race humaine ? »
-- Qu'elle est bien sotte en vérité. --
« Pour moi je la trouve fort vaine,
Et je ne conçois pas d'où vient sa vanité.
Ce que tous les mortels ont appelé la terre,
Est un point dans l'immensité ;
Leur existence est éphémère :
Et pourtant , du démon de la propriété,
Je vois dans cette fourmilière
Que chaque esprit est tourmenté.
Ils font un grand amas de boue et de poussière ,
Et pour le conserver se déclarent la guerre,
Et s'égorgent l'un l'autre avec férocité ;
Moi qui préside à leur naissance,
Je suis honteux de leur frivolité,
Et les vois toujours dans l'enfance. »
Ils ne font en effet
Que changer de hochet !
Qu'ils sont plaisants avec leurs bigarrures !
De pied ferme je les attends,
Je ris beaucoup à leurs dépends,
Et m'amuse de leurs figures.
Avides et d'or et d'argent,
Pour avoir ces métaux que la nature apprête,
Dans la terre on les voit fouiller profondément
Et la possession leur détraque la tête. --
« Je ne suis plus prévenu contre toi :
Allons , soyons amis , dit l'Extrait baptistaire ;
À juger les mortels sur tout ce que je vois,
Tu devrais exercer plutôt ton ministère. »

Livre IV, fable 11




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