Quand Dieu, dans sa juste furie,
Voulut perdre le genre humain,
Sur les montagnes d'Arménie
Il amassa les eaux. Soudain,
Un flot noir, hideux, formidable
Se rue au travers des rochers,
Emportant tout, maison, étable,
Bêtes et gens, barques, nochers !
Toujours interdit aux fils d'Eve,
Loin des sommets, à mi-coteau,
Le Paradis, comme un beau rêve,
Riait au penchant d'un ruisseau :
Ruisseau charmant, qui, sous les hêtres,
Dans les fleurs, parmi maints détours,
Offrit à nos premiers ancêtres
Le lit des premières amours !
Hélas ! hélas ! L'onde cruelle,
S'emparant de ce doux jardin,
Comme d'un nid de tourterelle
Pendant aux buissons du ravin,
L'entraîne, et dans la vaste plaine,
Où peu à peu montait le flot,
On vit vers la plage africaine
Voguer le gracieux îlot.
Mais le noir souffle des orages
Le saisit dans un tourbillon,
Et le lance dans les nuages,
Comme la paille du sillon !
Il retomba sur les montagnes
Dont les grands pics ennuagés
Gardent la route des Espagnes :
Les bords étaient endommagés.
D'après la légende attitrée,
Il paraît, aimable Nelly,
Qu'une moitié de la hêtrée
Glissa sur les flancs du Gourzy.
L'autre, par le gave entraînée,
S'arrêta dans les fonds d'Ossau ;
Ile charmante, fortunée !
- C'est l'Oasis, Eden nouveau.
Là, des eaux qui jasent sans cesse ;
Là, d'impénétrables couverts,
Et l'herbe douce ! et la mollesse
Du dormir sous les arbres verts !
- Mais c'est le Paradis biblique
Disais-tu, n'est-ce pas vraiment ?
Et tu disais vrai, doublement...
Car c'est ainsi que tout s'explique.